La Rose de Jéricho, plante desséchée, transportée par les vents du désert et capable de reprendre vie au contact de l’eau, incarne pour Aurélia Zahedi le symbole de résistance et de renouveau.
Invitée par l’Agence culturelle départementale Dordogne-Périgord et le Festival Ôrizons, l’artiste présente à Périgueux un ensemble d’œuvres – sculptures, peintures, photographies, calligraphies, ainsi qu’un film et une performance – issues de ses recherches.
Il y a plusieurs années, Aurélia Zahedi découvre que trois plantes différentes dans le monde sont appelées Rose de Jéricho mais qu’aucune ne vit précisément dans la ville éponyme palestinienne. Elle débute alors une enquête minutieuse croisant légendes et botanique et commence à tisser les liens qui unissent la plante à ce territoire.
Cette quête l’amène dans le désert de l’Est de Jérusalem, auprès des Bédouins qui lui ouvrent les portes de cette terre disputée. De ses voyages, l’artiste crée une œuvre protéiforme qui considère la Rose de Jéricho comme une Sainte, protectrice d’un peuple en danger.
Dans l’exposition, les coffres cérémoniels de la Rose de Jéricho accueillent les portraits silencieux des Bédouins veillés par les astres divins. Les pleureuses, elles, nous enlacent dans leur résilience. Aurélia Zahedi ne cherche pas à «définir une « véritable » rose, qui énoncerait une forme de vérité, mais plutôt une Rose qui les convoquerait toutes» en fabriquant un récit à l’ombre politique en fabriquant un récit à l’ombre politique, présageant que la poésie ouvrira l’imaginaire.
La Rose de Jéricho
A l’Est de Jérusalem, la Rose de Jéricho veille sur le désert et son peuple. Alors que son nom s’efface de nos mémoires, Aurélia Zahedi part sur ses traces et reconstruit sa légende.
La Rose de Jéricho est une plante mythique. Nomade, elle erre au cœur des déserts dans l’attente des rares pluies qui la feront s’ouvrir ; il s’agirait alors d’un moment sacré. Certains yeux du désert affirment qu’elle est immortelle.
Les Bédouins l’appellent « Kaff Maryam » (paume de la main de Marie) car il est raconté que la Vierge Marie aurait touché la plante de sa main en voulant ramasser son linge sur la terre. Si la Rose revêtait de nombreuses symboliques pour les religieux, elle est surtout liée aux femmes. Fertilité, renaissance et persévérance, elle est un emblème du pouvoir féminin qui s’allie à la nature.
D’autres puissances célestes sont appelées. La lune, la nuit, les étoiles. Autant de divinités protectrices qui observent et veillent sur les Bédouins. Autant de témoins intranquilles à l’heure où la violence sur cette terre sacrée de Palestine s’est étendue jusque dans les déserts. Les Bédouins honorent ces étoiles, leurs guides fidèles pour l’éternité. Elles font partie des nombreux savoirs précieux des nomades, un peuple aujourd’hui menacé de disparaître par la colonisation israélienne.
Aurélia Zahedi se définit comme une passeuse de récits et affirme que la Rose chuchote son désert.
À l’occasion de cette exposition, l’artiste peint une œuvre unique, Les pleureuses. Silencieuses, elles marquent l’absence, le vide et le deuil impossible qui ne compte plus ses sacrifiés. Mais à l’image de la Rose de Jéricho, elles sont immortelles et résilientes. Et de leurs larmes fleurissent les déserts.
Aurélia Zahedi s’inspire des légendes, des textes et des pratiques associés à cette plante. Au travers de la photographie, la peinture, la sculpture, la calligraphie, le dessin, la vidéo et la performance, elle bâtit un récit poétique naviguant entre le réel et la fiction, pour ouvrir les portes de l’imaginaire.
Rébecca Devine
Directrice du Festival Ôrizons
A propos de l’artiste
Aurélia Zahedi est née en France en 1989.
Diplômée de l’École Supérieure d’Art d’Avignon et de la Villa Arson à Nice en 2013, elle participe au Salon de Montrouge en 2015.
À la suite de ce parcours qui lui semble trop prévisible, elle intègre en 2016 le postdiplôme Offshore dirigé par Paul Devautour à Shanghai et participe à différentes expositions en France et à l’étranger comme un solo show en 2017 au Dongzhart Contemporary Museum de Jiaxing (Chine), une exposition personnelle à la Crypte d’Orsay en 2019 ou encore une monographie à l’Institut des Cultures de l’Islam à Paris en 2024.
Plusieurs prix et bourses lui permettent de soutenir ses recherches, notamment le Prix Nopoto et une Bourse de l’Institut français qu’elle obtient en 2018. En 2021, elle reçoit la bourse Fanak Fund pour la mobilité des artistes au Moyen-Orient puis la bourse Ekphr@sis de l’ADAGP ainsi qu’une Aide à la création décernée par la DRAC en 2024.
En parallèle, depuis 2018, elle co-fonde Maison Auriolles, lieu de recherche, de rencontres et d’inventions poétiques dans le Sud-Ouest de la France, espace qui lui permet d’être active dans plusieurs associations militantes tout en abritant son atelier.